À 25 ans, Fouzia Madhouni est une passionnée de Football américain et s’en sert pour mener de nombreux combats notamment pour l’émancipation des femmes au Maroc… Le sport pour elle est une passion voire même une arme contre la maladie.
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C’est une belle journée ensoleillée à Salé au Maroc et Fouzia rayonne elle aussi. Celle qui a une coupe de cheveux courte, résultat d’une chimiothérapie récente, porte une tenue de sport, toujours prête. Grand sourire sur les lèvres, la jeune femme raconte qu’elle est née et a grandi dans cette ville qui est la jumelle de Rabat, la capitale. Ses parents sont divorcés et elle vit avec sa mère et son frère cadet.
Tout part d’une photo sur les réseaux sociaux. Elle est alors étudiante à l’Université Mohammed V de Rabat lorsqu’elle voit un jour un post sur Instagram. La photo d’une camarade de promo arborant un casque et une épaulière. La voir porter cet équipement fut le déclic. « Je me suis dit : je veux ça. Je veux porter le casque moi aussi ! » et c’est ainsi qu’est née une aventure qui dure maintenant depuis bientôt six années. La slaouia (ndlr : habitante de la ville de Salé) voue depuis une passion au Football Américain. En résulte son équipe des Jaguars dont elle est fondatrice, capitaine et coprésidente.
« We can Morocco », son nouveau projet associatif
A quoi ressemble une journée-type de Fouzia ? Réveil, petit déjeuner si elle parvient à manger. À 8 heures elle se rend à l’hôpital ce qui lui prend, trajet aller-retour compris, 1 à 2 heures de sa journée. Elle revient ensuite chez elle et essaie de s’améliorer en tant qu’oratrice et passe plusieurs appels puisqu’elle a de nombreuses collaborations à venir avec des organismes américains. La raison ? Fouzia lance une association.
C’est cette passion des débats, de la prise de parole en public, en plus du football qui lui a donné cette envie. L’un de ses rêves serait d’impacter le plus de gens possible. Voilà comment est née son association « We can Morocco » qui a pour but d’émanciper les femmes grâce au football américain. L’association qui est d’ores et déjà soutenue par la Star Wright Foundation (ndlr : une fondation américaine luttant pour l’autonomisation des jeunes et la lutte contre la pauvreté) est encore en discussion avec d’autres potentiels partenaires au Maroc. « We can Morocco » devra ainsi commencer une tournée au Maroc. Une caravane ira dans des villes afin d’apprendre au plus grand nombre l’art du football américain.
« Il y a beaucoup de facilité lorsque l’on veut faire une association au Maroc. Dieu merci, ça se passe bien pour moi. J’ai eu beaucoup de soutiens pour ce nouveau projet. La caravane devrait débuter en juillet prochain inchallah (si Dieu le veut) ». Elle espère, dans l’avenir, étendre cette caravane. Dans un premier temps elle fera ses tournées au Maroc, puis Fouzia souhaite l’étendre au continent Africain plus tard si tout se déroule bien.
En plus de cette association et son équipe des Jaguars, Fouzia compte lancer en septembre 2021 la « Phantoms Academy » en collaboration avec l’équipe des Phantoms USA et, une fois de plus, la Star Wright foundation. Cette académie sera sous forme d’organisme à but non lucratif et destinée particulièrement aux femmes et enfants mais aussi aux hommes. Le concept suit la citation « un esprit sain dans un corps sain » puisqu’elle promettra, à travers le football américain, un programme d’échange aux États-Unis pour ceux qui brilleront académiquement et sportivement. Cela permettra ainsi à des Marocains de poursuivre des études à l’étranger pour quelque temps. Ce programme de la « Phantom academy » est aussi une collaboration avec son association, « We can Morocco ».
À 25 ans seulement, on lui a diagnostiqué un cancer du sein. C’était en avril 2020. Elle avouera, très émue, que ça a été la chose la plus difficile qui lui soit jamais arrivée. « Je priais le ciel de seulement être capable de marcher à un certain moment. C’était vraiment horrible, surtout lorsque comme moi on a de nombreux objectifs que l’on souhaite atteindre et qu’on est très sportive…. Je ne souhaite à personne de traverser cela, pas même à mon pire ennemi ». Elle dit se sentir encore plus vivante maintenant que le pire est passé. Beaucoup plus motivée et appréciative de la vie. Son état d’esprit a complètement changé avec la maladie et il n’est plus question de laisser quoi que ce soit à demain.
Fouzia a dû arrêter ses études et son job étudiant dans un centre d’appel à cause de la maladie et malheureusement, le football aussi pour quelque temps… Cela a été très difficile pour elle qui a toujours été très sportive « j’ai toujours fait du sport : taekwondo, natation, foot, athlétisme… mais le football américain m’a vraiment permis de m’épanouir. Je respire grâce au football ». Ce qu’elle présente non seulement comme un sport mais aussi comme un état d’esprit l’a rendu plus épanouie.
Lorsqu’elle le peut et qu’elle ne se sent pas trop épuisée par la maladie et les traitements, elle se rend à l’entrainement. C’est d’ailleurs de plus en plus le cas depuis qu’elle a achevé sa chimiothérapie et qu’elle est passée à la radiothérapie. « Je pense que le sport dans cette situation, dans la maladie, permet d’évacuer. J’invite toutes les femmes atteintes d’une maladie ou d’un cancer à tenter de s’y mettre. Cela permet de relâcher la colère et le stress que l’on accumule. Mentalement c’est très dur de se retrouver dans cette situation du jour au lendemain et je suis convaincue que le cancer est aussi une bataille psychologique et mentale contre soi-même. Je me sens vivante grâce au football et quand je suis sur un terrain même si je me prends des coups (rires), c’est la meilleure des sensations ».
À la question « vous considérez-vous comme féministe ? », la réponse est rapide « évidemment. » puis elle poursuit : « il faut être féministe pour traverser certaines situations que j’ai vécues, il le faut. Le féminisme c’est aussi cette envie de briser des barrières et stéréotypes ». Lorsqu’on lui demande ce qu’elle pense des hommes qui lui reprochent de pratiquer un sport qu’ils disent être masculin, l’intéressée répond simplement « qu’ils viennent sur le terrain. Qu’ils viennent jouer contre moi et on verra. Le football américain ce n’est pas qu’une question de force mais de mental aussi ».
C’est pour cela que la jeune femme consacre la plus grande partie de son temps aux femmes dans le sport. La caravane de « We can Morocco » se concentrera en particulier sur les femmes et les enfants. Si les enfants sont l’avenir, ce sont les femmes qui les éduqueront et le sport le leur permettra, j’en suis convaincue ».
Un futur utopique
Fouzia reste très optimiste quant à son avenir. « J’espère au moins faire deux tournées du Maroc avec la caravane d’ici la fin de l’année 2021. J’aimerais aussi aller quelque temps aux États-Unis, ne serait-ce que pour un mois afin d’acquérir de l’expérience dans plusieurs domaines, qu’ils soient sportifs ou sociaux, pour revenir au pays et les développer. » Quant au long terme, les projets fusent aussi. « Je souhaite faire de l’entreprenariat social. Au réveil, au lieu d’écouter de la musique ou les infos, j’écoute des Ted Talks (ndlr : des conférences à l’international). Ce serait l’un de mes rêves de pouvoir en faire. Je veux pouvoir être une source d’inspiration et impacter la prochaine génération. Toucher la vie d’un million de personnes d’ici cinq ans, en particulier les femmes et les enfants, car ce sont eux l’avenir. C’est ce que j’essaie de faire par le biais des caravanes ».