Doumouh El Bakkar ne soupçonnait pas que son destin la mènerait un jour vers l’univers du ballon rond.
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Cette jeune fille issue d’un milieu conservateur dans la ville d’al-Qubba à Tripoli, a fait ses débuts sportifs comme joueuse de football avant de devenir arbitre.
Un choix de carrière pour le moins surprenant, et pour cause ! À l’instar de la plupart des jeunes de sa génération, Doumouh était convaincue que seuls les hommes avaient le droit de chausser les crampons.
Mais alors qu’elle ne connaissait rien à ce sport, la Libanaise a rapidement balayé cette idée de sa tête, en découvrant pour la première fois, les photos de joueuses de football dans un journal local.
Doumouh El Bakkar est née en 1990 et a fréquenté une école publique à Zghorta. C’est là qu’elle explore et s’intéresse au sport, mais aussi à la musique et à la lecture, participant, dans ce sens, à toutes les activités scolaires, notamment celles liées au sport, telles que la course et le basketball.
Après avoir passé le brevet, Doumouh décide de travailler pendant ses vacances d’été, pour apprendre à compter sur elle-même. Une expérience professionnelle lui a offert l’opportunité de rencontrer l’équipe féminine de football d’Al-Arabi Tripoli.
Dans une interview accordée à Taja Sport, elle raconte : « Je ne savais pas comment jouer au foot et je ne voulais même pas croire que des clubs féminins pouvaient exister. Jusqu’au jour où j’ai lu un article de presse qu’illustraient des photos de footballeuses ».
C’est ainsi que la jeune libanaise a commencé à nourrir l’ambition d’évoluer dans le monde footballistique féminin. Une aspiration que sa famille a accueillie avec enthousiasme et a fortement encouragée.
Du basketball avec les clubs Chabeb Al-Azm et Homenetmen Club, en troisième division, au football pour lequel elle décide de se consacrer, Doumouh développe progressivement ses habiletés en matière de foot.
Elle s’engage, par la suite, à suivre des stages et des formations avec la FIFA, ainsi qu’avec la Fédération de football du Liban et de Norvège, afin d’obtenir un diplôme d’entraîneur sportif.
Ceci lui a permis d’encadrer des équipes féminines U-19 et de porter la casquette de coach au sein de diverses associations sportives.
De son choix de quitter le vestiaire des joueuses pour devenir arbitre, elle dit : « En 2014, j’ai pris part à une session d’arbitrage. Au départ, mon initiative était motivée par le désir d’étudier le football sous toutes ses coutures ».
Doumouh a fini par apprécier ce domaine et a occupé la 1ère place du classement parmi les jeunes femmes ayant participé à ce stage qui s’est déroulé dans la ville de Nabatiyeh, au sud du Liban.
Elle ajoute : « Après cela, j’ai passé des examens supplémentaires et la Fédération libanaise a approuvé ma candidature en tant qu’arbitre féminine. À partir de là, j’ai commencé à officier des rencontres de football ».
El-Bakkar a d’abord fait ses preuves comme arbitre assistant, avant de devenir arbitre principal. En effet, c’est en 2016 qu’elle obtient ce titre après avoir passé les épreuves portant sur sa connaissance des règles du jeu, ainsi que sur sa force physique.
En plus de sa carrière sportive réussie, l’arbitre féminine a également entrepris des études brillantes. L’on apprend qu’elle détient un magistère de l’Université libanaise, en science politique et gestion, option « Organisation publique ».
Elle a occupé la fonction de Directrice des Ressources Humaines au sein de l’entreprise « Beitna ». Doumouh est aussi maman et partage sa vie avec son conjoint, également arbitre de football.
« Mon mari est un arbitre international. Nous nous entrainons et étudions ensemble. Il me soutient énormément ! Nous travaillons en équipe pour améliorer nos compétences, en passant en revue nos prestations respectives dans chaque match pour voir ce que l’un et l’autre peut perfectionner », confie Doumouh.
Parmi les tournois importants où le sifflet de l’arbitre a retenti sur le terrain, nous pouvons citer le Championnat International Universitaire de 2017 et l’inoubliable rencontre entre le Brésil et le Canada.
Doumouh a également arbitré les séries qualificatives du Championnat d’Asie U-19 en Mongolie, au Tadjikistan et en Ouzbékistan, en plus des deux tours qualificatifs pour les Jeux Olympiques de Tokyo, les Jeux d’été au Vietnam et plusieurs autres championnats d’Asie de l’Ouest à Bahreïn, Dubaï, Jordanie, Arabie saoudite et au Liban.
Doumouh n’a pas seulement officié des matches féminins. Elle a également dirigé avec brio des rencontre masculines. C’est l’un de ses plus grands défis.
Ses premières expériences d’arbitrage dans des confrontations masculines lui ont valu, selon son témoignage, des remarques d’indignation et des scènes d’hostilité.
« Qu’elle reprenne sa place en cuisine, une femme n’a rien à faire sur un terrain ! », commentent certains hommes, au sujet de sa présence au stade.
« Ce n’est que lorsqu’ils ont pris le temps d’observer mes performances pendant les matchs que le regard qu’ils portaient à mon égard a complètement changé. Depuis, je ne suis confrontée à aucune forme de sexisme concernant ma légitime présence sur un terrain de football », affirme Doumouh El-Bakkar.
D’après la jeune femme, arbitrer un match féminin ne se fait pas de la même manière que pour un match masculin. Elle explique que : « selon que la rencontre est disputée par des femmes ou des hommes, le jeu n’est pas le même sur le plan tactique, stylistique et, par conséquent, sur la façon d’arbitrer ».
Cette expertise acquise par la Libanaise et sa capacité à s’adapter lui ont permis de gagner en assurance : « Peu importe le match à arbitrer, je ne stresse plus ! Je ne doute pas de mes compétences aujourd’hui », déclare Doumouh.
Et de poursuivre : « Un arbitre doit imposer son autorité. Cela passe par sa présence, sa compréhension du règlement, son expérience, sa gestuelle et son agilité lorsqu’il dirige une rencontre.
Les amateurs de football savent reconnaître un bon arbitre, en observant le déroulement de la confrontation et les décisions prises par ce dernier. Une fille est parfaitement capable d’assumer ce rôle dans un match masculin ».
Au pays du Cèdre, les fans de Doumouh sont nombreux. Son parcours remarquable fait la fierté de sa famille, ses amis, la Fédération du Liban et même, la Fédération de football du Nord.
Une reconnaissance qui est source de motivation et d’inspiration dans sa carrière. En ce sens, elle avance : « Quand on évolue dans un environnement positif et encourageant, notre créativité est forcément boostée. La société porte un regard réprobateur sur le football féminin, parce qu’elle ne tolère pas les tenues courtes des joueuses. En outre, les gens s’imaginent, à tort, que jouer au foot rend les filles moins féminines. Fort heureusement, mes parents n’ont pas prêté attention à ces préjugés et m’ont encouragée à emprunter ce chemin. Nous avons contribué à transformer la société. Les gens qui nous critiquaient, font partie aujourd’hui de nos premiers fans et sont fiers de nous. Après tout, nous n’avons rien à nous reprocher ! Il faut dire que dans notre région, les villageois sont assez sont conservateurs. Il n’est pas commun de voir une femme pratiquer ce sport ».
Le choix de Doumouh El-Bakkar est fait : elle ne quittera pas le terrain : « J’ai abandonné ma carrière dans les ONG pour me consacrer pleinement à l’arbitrage. Je voyage beaucoup et je préfère réserver mon temps au sport plutôt qu’à un travail de bureau. Sans compter mes responsabilités sociales et familiales et les contraintes d’agenda que je dois gérer ».
En conclusion, Doumouh a souhaité porter un message d’encouragement à toutes les lectrices de Taja Sport : « Je veux dire à toutes les jeunes filles, de se livrer à leurs passions, de compter sur elles-mêmes et, surtout, de persévérer. La petite fille originaire de Tripoli que j’étais, a connu la privation. Mais j’ai cru en mes compétences et maintenant, mon nom est hissé sur la scène mondiale. Avec la volonté, vous pouvez tout réussir. Vous pouvez innover et réaliser des exploits ».