Vous avez été nommée, il y a moins d’un an, Qu’est-ce qui vous a fait accepter ce poste ?
Je crois fermement au développement du football féminin à l’échelle mondiale, de manière professionnelle avec l’application du principe de l’égalité. Et cela nécessite une approche globale et une professionnalisation de l’état d’esprit de toutes les catégories sociales. Si on veut développer le jeu, il faut nous concentrer sur tous les niveaux et tous les aspects du développement. Le Maroc m’a intrigué, notamment après avoir entendu le Roi Mohamed VI mettre l’accent sur l’importance des femmes, et l’égalité dans le sport et le football. En plus de l’intérêt du président de la Fédération Royale Marocaine de Football, Faouzi Lekjaa et sa volonté de développer le football féminin, comme source de fierté pour le pays et comme outil pour valoriser notre jeunesse. C’est pour ces raisons que j’ai eu le plaisir de venir au Maroc me joindre à un groupe de travail et une administration extrêmement professionnels. Je suis sûre que si on travaille ensemble partout au Maroc on pourra construire une bonne base pour le développement de ce jeu à l’avenir. Il est important que toutes les femmes marocaines sachent qu’elles ont leur place dans ce sport. Nous sommes sur la bonne voie pour construire un parcours professionnel viable. Nos femmes sont les futurs leaders de ce jeu, des modèles pour toutes les jeunes filles du Royaume.
Croyez-vous que le football est un outil d’autonomisation des femmes ?
Le football est un outil extrêmement efficace pour autonomiser les individus et les nations. Le football est un sport unique qui requiert la responsabilité individuelle, le travail d’équipe et l’unité. Une communication et une gouvernance professionnelles, un leadership solide, une capacité à prendre des décisions sous haute pression. Si tous nos jeunes apprennent ces compétences à travers le football, nous allons avoir un pays avec d’excellents leaders, capables d’unir nos générations futures.
Que pensez-vous du football féminin marocain ?
Le football féminin marocain est unique et fort, les joueuses ont un talent technique unique. Elles peuvent maîtriser n’importe quelle balle, n’importe quand et n’importe où, ce qui est vraiment incroyable. Le pays est extrêmement passionné, les joueuses aiment vraiment être sur le terrain et jouer au jeu. Si nous pouvions soutenir le développement mental, tactique et physique, nous pourrions certainement devenir les meilleurs en Afrique. Développer des joueuses dotées d’une intelligence émotionnelle, capables de maîtriser leurs forces et faiblesses, ainsi qu’un un savoir-faire tactique international, transformera nos résultats internationaux. L’avenir est très prometteur ici.
Vous êtes Américaine et nous savons que l’équipe féminine de football des Etats-Unis mené récemment une bataille judiciaire pour obtenir l’égalité dans le traitement des salaires et conditions de travail
Les détails de cette affaire peuvent être complexes et difficiles à comprendre. Mais la base que je recommande pour toutes les fédérations et joueurs partout dans le monde est d’avoir “un état d’esprit purement professionnel dans le développement du jeu”. Le football est le football, les hommes et les femmes sont égaux en tant qu’êtres humains. Ainsi, nous devrions voir les jeux de manière égale, notamment dans le recrutement, le traitement des ressources, la gestion, le développement ainsi qu’en termes de gouvernance. Si on traite chaque décision avec le même état d’esprit, “quelle est la meilleure décision pour que nos joueurs aient les meilleures chances pour développer tout leur potentiel et réaliser des performances de haut niveau”, la plupart des inégalités qu’on observe dans le jeu disparaîtront. Les femmes souhaitent être considérées égales aux hommes en termes de soutien, de ressources et de mentalités. Parfois, l’aspect financier n’est pas égal à 100%, mais si le respect et le professionnalisme sont égaux à 100%, alors de meilleures décisions financières seront prises pour soutenir les femmes joueuses et le football féminin. L’équipe nationale américaine de football féminin a eu raison de se battre pour son droit à un salaire égal, et je pense que le football aux Etats-Unis devrait être un leader mondial et fixer des standards de haut niveau en matière de rémunération de nos athlètes féminines. Les femmes ont prouvé ce qu’elles valent au jeu, au pays et au monde.
La coupe du monde de 2019 en France a changé la donne pour le football féminin. Pensez-vous que les choses sont en train de changer dans le monde arabe en ce qui concerne ce jeu ?
Depuis la coupe du monde de 1999, on constate, tous les quatre ans, une évolution du football féminin, ce qui a été une belle expérience pour les joueuses, les entraîneurs et les fédérations. Au cours des dix dernières années, dans le monde arabe, plusieurs pays ont investi davantage de ressources et de capital humain pour faire progresser le football féminin. Je vois beaucoup de défis culturels pour les femmes dans le monde arabe et à moins que les dirigeants, les familles des joueuses et les entraîneurs soutiennent le parcours des femmes en tant qu’athlètes, le progrès restera lent et insignifiant.
Je pense que les familles arabes devraient être extrêmement fières de leurs filles qui jouent au foot. C’est un jeu global qui apporte de la joie à beaucoup de gens. Pourquoi ne pas être fiers de la capacité de vos filles, nièces, sœurs et femmes à participer à un jeu aussi beau. Il ne s’agit pas d’un jeu exclusif aux hommes. Il faut qu’on célèbre la beauté du football féminin et qu’on garantisse que chaque femme y soit représentée à l’avenir. Le monde arabe a une opportunité égale pour être le meilleur au monde en termes de football féminin. Nous devons tous nous unir, pour faire tomber les barrières, élever nos femmes et s’assurer qu’elles se sentent soutenues pour exprimer leurs talents incroyables.
De quoi avons-nous besoin aujourd’hui pour soutenir le football féminin au Maroc ?
D’abord, nous avons besoin de nous motiver les uns les autres et d’inspirer les nouvelles générations, pour former les meilleurs entraîneurs, joueurs et joueuses. Cela se concrétise à travers le partage des connaissances, d’idées et de critiques constructives. Il faut que toutes les parties prenantes se manifestent pour aider les filles dans leurs sociétés à disposer d’un espace sûr où développer leurs capacités à travers la pratique sportive.
En revanche, le football féminin ne pourra pas évoluer sans sponsors. Nous avons besoin de sponsors qui souhaiteraient connaître les histoires personnelles des joueuses et leurs parcours de vie. Des sponsors qui seront prêts à raconter ces histoires de joueuses pour inspirer le pays et inciter les futures joueuses à rejoindre le jeu. Dans le football féminin, les femmes ont des histoires uniques et puissantes. Nous avons besoin de sponsors qui croient aux valeurs du football féminin, telles que la confiance et l’honnêteté, la persévérance et l’intégrité, car si nous sommes d’accord sur les valeurs, nous serons capables de développer les personnes, les joueuses et le jeu.