“Puisque son père est petit de taille et que sa mère est en surpoids, et puisqu’ils n’ont pas d’antécédents sportifs, il est impossible qu’elle réussisse dans le saut en hauteur”. Ce sont les déclarations d’un entraineur marocain de saut en hauteur à propos de la jeune Rhizlane Siba, au début de son parcours en 2009. Des souvenirs que nous raconte Rhizlane en souriant. Et comment pourrait-elle ne pas sourire, elle qui est aujourd’hui titulaire du record marocain dans sa discipline.
Les débuts scolaires
Rhizlane dans son enfance ne connait rien du saut en hauteur. Elle pratique le Karaté, le Full Contact, puis elle se redirige vers la danse classique. Un jour, alors qu’elle est encore en école primaire dans la capitale marocaine Rabat, son professeur de sport décide d’entrainer ses élèves au saut. D’après la description de Rhizlane, les débuts étaient simples et se limitaient aux moyens du bord, le professeur ayant apporté deux poteaux sur lesquels il attache une simple corde. « J’ai sauté ce jour-là, et je me souviens avoir battu les lycéens », raconte-t-elle à Taja Sport.
Après avoir remarqué son talent pour ce sport, son professeur lui conseille de se diriger vers le complexe sportif Moulay Abdellah pour ses entrainements dans la capitale. Un complexe omnisports qui regroupe des équipes dans différents disciplines athlétiques et que fréquentent un grand nombre d’élèves de la capitale. De plus, le club travaille avec de nombreux entraineurs en course de longues et courtes distances ainsi qu’en lancer de poids et de disque. Mais ces sports n’attirent pas particulièrement Rhizlane qui souhaitait se dédier exclusivement au saut en hauteur. Cette étape de sa vie se termine ainsi sans qu’elle n’accomplisse de grands exploits, mais l’avenir lui réserve encore quelque chose de bien plus grand.
Deux ans plus tard, « un entraineur du Complexe Moulay Abdellah m’appelle en me disant qu’un nouvel entraineur de saut en hauteur est arrivé dans le club. Je les ai donc rejoints», nous dit Rhizlane.
A la fin de cette année, Siba est sélectionnée par l’équipe nationale marocaine d’athlétisme à seulement 12 ans. Avec cet accomplissement, elle fait taire les critiques qui prétendaient que du haut de ses 1,75 m elle n’atteindrait jamais le haut niveau.
« Dans le saut en hauteur, être de grande taille n’est pas une obligation pour pratiquer ou pour réussir. On dit que la taille idéale est au-dessus de 1,80 m. Mais certaines championnes internationales sont plus petites que ça et leurs exploits sont énormes », termine Rhizlane Siba.
Le chemin du succès
La détentrice du record marocain, toutes catégories d’âges confondues, est la preuve que la taille ne compte pas. Elle cumule les médailles depuis 2011. Sa première médaille de bronze lui étant desservie à l’âge de 15 ans durant la Coupe d’Afrique au Bénin. Cette même année elle obtient la médaille d’or durant la Coupe Arabe dans la capitale qatari Doha. Mais son plus grand exploit international fut sans doute sa médaille de bronze à la Coupe du monde Junior en Ukraine en 2014.
Durant cette même année Rhizlane réussit à offrir au Maroc sa première médaille d’or au Championnat d’Afrique d’athlétisme. En effet, durant la 19ème édition de de ce tournoi continental, organisé à Marrakech au Maroc, la championne marocaine atteint les 1,80 m, ex-aequo avec la titulaire de la seconde place du podium.
En 2018 Rhizlane remporte la seconde place du Championnat arabe d’athlétisme à Manama, au Bahrain. Puis en 2019 elle réussit à remporter la précieuse médaille de bronze durant le Championnat d’Afrique à Rabat.
« Je suis la première athlète marocaine à remporter une médaille dans cette compétition et plus précisément dans le saut en hauteur. C’est une grande fierté », déclare la championne marocaine. Et en 2021 à Rabat, Siba bat son propre record de 1,83 m à trois reprises, jusqu’à atteindre 1,86, record qui reste encore actif aujourd’hui.
Malgré ses succès, Rhizlane regrette aujourd’hui l’absence de soutien financier et moral. Les difficultés ne s’arrêtent pas là et sont particulièrement vraies pour les sportives. Surtout lorsqu’elles atteignent l’âge où certaines familles commencent à leur mettre la pression pour se marier et faire des enfants. L’athlète marocaine insiste donc sur la nécessité pour les parties concernées d’intervenir quand il faut, pour éviter de gâcher des compétences sportives.
Les critiques d’un entraîneur ou les pressions familiales n’ont pas eu raison des ambitions de la jeune athlète marocaine. Ces difficultés sont peut-être même une des raisons de sa réussite au niveau national et international. Car nombreuses sont les sportives qui ont refusées de laisser les paroles blessantes éteindre leur flamme.