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Dans le monde du sport, un crime silencieux

À l’occasion de la Journée internationale de la femme, célébrée le 8 mars, la plateforme Taja Sport met la lumière sur les athlètes féminines victimes de viols ou de harcèlements. En milieu sportif féminin, les joueuses professionnelles ou amatrices subissent des agressions sexuelles… Que se passe-t-il lorsque les lumières s’éteignent dans les centres sportifs, à l’issue d’une longue journée d’entraînement ? Comment lutter contre ces abus à l’encontre des sportives ?

Asmahane (pseudonyme) est une jeune femme, d’une vingtaine d’années, qui s’adonne à la gymnastique au Maroc. À son arrivée dans le gymnase, elle a été approchée par son coach qui lui a proposé de l’accompagner dans sa voiture pour lui montrer des produits qui l’aideraient à perdre du poids. « J’ai été trahie. Il a arrêté l’engin sur le bord de la route et a commencé à me toucher les cheveux. Prise de court, je l’ai giflé et je suis sortie de voiture en courant », confie-t-elle.

Ses souvenirs tristes hantent Asmahane depuis environ un an. À l’époque, elle avait décidé de perdre du poids en allant à un gymnase à Tanger au nord du Maroc. Depuis, la jeune Marocaine n’a plus remis les pieds dans la salle de sport, considérant l’épisode dont elle a été victime semblable à un film d’horreur. Craignant les conséquences d’une plainte qu’elle aurait pu déposer contre son agresseur, Asmahane a préféré taire ce scénario. « Quid de la sécurité ? Je n’ai pas le droit de pratiquer le sport en toute sécurité ? », s’interroge-t-elle.

L’histoire d’Asmahane est une parmi tant d’autres desquelles on témoigne dans le monde entier. Les médias rapportent de temps à autre les scandales des abus sexuels dans le milieu professionnel sportif. Fin 2022, un entraîneur de l’équipe brésilienne de gymnastique est condamné à plus de cent ans de prison pour viol de quatre gymnastes, dont une mineure de 13 ans.

En Corée du Sud, à l’été 2018, la joueuse de tennis Kim Eun Hee, âgée de 27 ans, brise le silence après 17 ans : elle a été victime de viols de la part de son entraîneur à l’âge de 10 ans. L’athlète coréenne déclare avoir subi ces agressions au moins deux ans durant.

Selon un rapport rendu public par l’Agence France-Presse (AFP), une étude réalisée par le Comité olympique sud-coréen en 2014 démontre qu’une sportive sur sept a fait l’objet de harcèlements sexuels en 2013. 70% d’entre elles n’ont jamais porté plainte.

Au Brésil, fin 2021, le bus de l’équipe féminine de football Abelhas Reinhas fait l’objet d’une attaque armée. Cet acte se solde par le viol de l’une des joueuses qui venait de jouer un match officiel au championnat local. Les agresseurs ont menacé la footballeuse à l’arme blanche et l’ont violée avant de prendre la fuite vers une destination inconnue.

Retour au Maroc. En 2021 aussi, la police marocaine arrête un entraîneur de football de 50 ans dans la ville de Beni Mellal, dans le centre du pays. Accusé d’abus sexuels sur mineures, l’entraîneur avait violé une mineure de l’équipe âgée de 15 ans. Selon les journaux locaux, l’agresseur a profité de sa position hiérarchique en tant qu’entraîneur de l’équipe féminine, pour séduire et s’acharner sexuellement de la mineure.

L’exemple de l’Egypte

Une étude anthropologique menée en Egypte et intitulée « Le harcèlement sexuel dans la société sportive », est publiée dans le Journal scientifique de l’éducation physique et des sciences du sport, en septembre 2020. Les résultats ont montré que les filles sont majoritaires à subir le harcèlement sexuel quelles que soient les tranches d’âge, alors que les garçons en sont davantage victimes lorsque âgés de moins de 10 ans.

Selon l’étude menée par le Professeur égyptien Rani Bahgat Nassef, professeur à la Faculté d’éducation physique à Helwan, la forme la plus courante de harcèlement est verbale. Elle touche autant les filles que les garçons dans la communauté sportive. Vient ensuite le harcèlement physique et, en dernier lieu, le viol qui touche à toutes les disciplines sportives, notamment la natation, le hockey, le volley-ball, le squash, le tennis et la plupart des sports de combat. Ce phénomène se produit aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du milieu professionnel.

Conscient de l’ampleur de ce fléau, le Comité international olympique œuvre pour promouvoir les droits des femmes et pour protéger les athlètes féminines contre le harcèlement. À cet effet, il a publié sur son site Internet une série éducative expliquant le harcèlement et tout genre d’abus dans le sport. De plus, neuf vidéos ont été mises à la disposition des internautes, présentant des scénarios de différentes formes de harcèlement sexuel et d’actes d’intimidation dans les milieux sportifs.

Sur le même site web, le comité met en évidence les étapes qu’un athlète, un entraîneur ou une organisation sportive devrait suivre pour prévenir les cas de harcèlement et créer un environnement sportif sécurisé pour tous.

Le professeur Rani Bahgat Nassef a présenté dans sa recherche un ensemble de recommandations visant à lutter contre le phénomène, dont la nécessité de créer des unités de lutte contre le harcèlement et la violence sexiste dans les institutions sportives. De plus, il a conseillé de concevoir une application numérique sur téléphone, qui permettrait aux athlètes féminines et aux filles de porter plainte contre les harceleurs.

 

 

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